Émilie «Lillie» LaFlamme

Aventurière du Nord de l’Ontario (Gogama)

Lillie LaFlamme

Photo : Lillie LaFlamme en traîneau, possiblement à Montréal en 1924, Reproduite avec permission de Suzanne F. Charron. Source : Denise Savard

En parlant de son « mari »*, Joe LaFlamme qui vivait à Gogama, Émilie aurait dit : «Il est drôle. Il aime tout de sa vie dans le Nord — ses chiens, sa chasse et sa trappe. Il est venu ici et moi, je l’ai suivi». — Émilie Haigneré dite Lillie LaFlamme, citée par Suzanne F. Charron** dans son livre Joe LaFlamme : L’indomptable dompteur de loups

Imaginez un trajet qui vous conduirait de Paris, en passant par Liverpool en Angleterre et Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, pour arriver à Montréal au Québec, et finalement aboutir à Gogama dans le Nord de l’Ontario. Voilà le parcours de vie d’Émilie Haigneré au moment de sa mi-vingtaine !

Ce qui est d’autant plus étonnant dans le parcours inusité d’Émilie (plus tard connue sous le nom de Lillie), c’est bien le fait qu’il a eu lieu au coeur de la forêt nord-ontarienne, au début des années 1920, à titre de compagne de Joe LaFlamme avant même que celui-ci soit renommé comme dompteur de loups partout en Amérique !

Au moment du départ de sa France natale, Émilie, alors domestique peu argentée, avait quitté sa terre parisienne sur invitation de ses amies, des épouses de soldats canadiens. Arrivée à Montréal en 1919, Émilie a fait la connaissance de Joe LaFlamme… et  son aventure nordique ne tarda pas à commencer.

Émilie Ernestine Hélène Haigneré est née en 1893 à Étaples-sur-Mer, un village de pêcheurs dans le département du Pas-de-Calais en France. Malgré sa lignée marine, c’est à Paris que la jeune Émilie a grandi, probablement élevée par un membre de sa famille étendue. Mode, élégance, grands magasins et manières faisaient partie du vocabulaire de la jeune femme en devenir. Et pourtant, à l’été 1920, Émilie s’est retrouvée à Gogama, vivant une vie rustique avec Joe LaFlamme dans un « lieu éloigné et dépourvu de commodités telles que l’électricité, l’eau courante ou les toilettes intérieures ». Émilie avait peut-être le sens de l’élégance, mais elle avait aussi une âme aventurière et une capacité d’adaptation plutôt extraordinaire !

Les gens du village de Gogama la connaissaient sous le nom de Lillie ou encore de la p’tite femme, un surnom que lui avait donné Joe LaFlamme en raison de sa petite taille (1,3 mètre, 45 kilos). Intelligente, maquillée, chapeautée, Lillie se plaisait dans la rudesse du style de vie nordique. Elle aimait le Canada, le froid, la neige, et aussi, fort probablement, la notoriété d’être la compagne d’une légende vivante. Entourée de ses oiseaux, poules, pigeons, moufettes et même d’une louve appelée Sparky, Lillie jouissait du contraste des saisons du Nord engendré par les hivers blancs et rigoureux, suivis d’étés chauds et lumineux. Mais la vie avec Joe LaFlamme n’était pas de tout repos. Il pouvait être intransigeant et colérique envers elle, en plus de lui imposer ses absences longues et fréquentes lorsqu’il parcourait l’Amérique, participant à des expositions sportives en vue de faire connaître ses loups, et plus tard, ses orignaux, tout en éduquant la population sur les modes de vie du Nord de l’Ontario.

Sous les yeux du couple LaFlamme, le village de Gogama prenait de l’ampleur depuis l’arrivée du premier résident du village en 1917 (Arthur L’Abbé). Gogama se développait, les familles s’y faisaient plus nombreuses, des églises et des écoles étaient fondées et des moulins à scie étaient mis sur pied. Joe et Lillie y occupaient une place de choix.

Malgré une enfance européenne et citadine, Lillie se plaisait dans le Nord de l’Ontario. Femme indépendante et audacieuse, Joe lui avait enseigné à atteler elle-même une meute de chiens afin qu’elle puisse jouir d’une liberté de déplacement même lorsqu’il était parti au loin. À une époque où le rôle des femmes était plutôt restreint sur la place publique, Lillie savait faire valoir son opinion et ses désirs et reculait devant peu de choses. Elle excellait au billard et était même devenue une adversaire redoutable pour quiconque voulait la défier au jeu.

Avec Joe, Lillie a aussi pratiqué l’élevage de loups et d’orignaux. Côte à côte, ils ont préparé et servi les repas à de nombreux pensionnaires et même à tout le personnel de Warner Brothers qui était venu à Gogama pour filmer les pompiers forestiers vers 1945 ! Lillie s’est également improvisée prospectrice en 1938, enregistrant trois claims miniers lors de la deuxième ruée vers l’or de la région. Et toujours, Lillie a soutenu les rêves aventuriers de son mari.

Les temps durs d’un village pionnier et d’une époque qui a traversé les années de la Grande Dépression ainsi que de la Seconde Guerre mondiale n’auront pas permis à Lillie de remettre les pieds dans sa patrie française. Mëme si la vie du Nord a été excitante, elle a aussi été éprouvante pour cette jeune femme qui connut la maladie six ans après son arrivée en terre canadienne, qui a aussi perdu une fillette en bas âge, et qui a toujours vécu à proximité du danger, entourée d’animaux sauvages et dangereux, ainsi que d’un mari contrebandier d’alcool. Lillie a quitté Gogama en 1948 pour Montréal où elle est décédée en 1982, soit 17 ans après le décès de Joe LaFlamme en 1965. Elle a incontestablement laissé sa marque dans le paysage nord-ontarien.

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* Dans ses recherches sur Joe LaFlamme, l’auteure Suzanne F. Charron n’a trouvé aucun document qui puisse confirmer un mariage officiel entre Émilie Haigneré et Joe LaFlamme, mais Émilie Haigneré a tout de même été connue sous le nom de Lillie LaFlamme.

** Je remercie très chaleureusement Suzanne F. Charron de m’avoir accordé la permission de résumer les faits saillants de la vie d’Émilie Haigneré à partir de ses recherches effectuées dans le cadre de la publication de sa biographie Joe LaFlamme. L’indomptable dompteur de loups. Je le remercie aussi pour la relecture de ce bref résumé biographique.

Joe LaFlammeRéf. Joe LaFlamme. L’indomptable dompteur de loups, Suzanne F. Charron, Éditions Prise de parole, 2013 et 2014.

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