Pionnière du Nord-Est ontarien, militante pour l’éducation, conseillère scolaire, chef de file pour les femmes, bénévole d’exception
« Pour la première fois, je partage l’enthousiasme de Joseph Odilon envers ce projet d’un nouveau pays, mais ma tête me dit que je serais comme un arbre sans sa forêt. »
— Rose Ann Bélanger, janvier 1906, en pensant au réseau familial et social qu’elle laisserait derrière elle au Québec si elle déménageait en Ontario
Fille de Philomène Girard et John Dawson qui était navigateur sur les remorqueurs de la Canadian Pacific Railway (CPR), Juliette Rose Ann est née à Lévis QC en 1876. Son père d’origine irlandaise était bilingue alors que sa mère québécoise était unilingue francophone. Philomène Girard a mis au monde 16 enfants dont 11 qui ont survécu l’enfance. Rose Ann et ses frères et sœurs étaient tous bilingues, ce qui s’est avéré être une situation plutôt avantageuse pour Rose Ann lorsqu’elle est déménagée en Ontario au début du 20e siècle.
Surnommée Dollie par son père en raison de sa petite taille (doll signifie poupée), Rose Ann a mené une vie de pionnière dans le Nord de l’Ontario à partir de 1907. Elle a épousé Joseph Odilon Bélanger, natif de Montmagny QC en 1901, avec qui elle a fondé une famille de 8 enfants. Féministe bien avant que le mot ne soit à la mode, Rose Ann a défendu avec ferveur les droits des femmes, des enfants et des démunis pendant 35 ans dans le nord-est ontarien — sa terre d’adoption.
Les archives officielles de l’époque n’étant pas toujours disponibles, les recherches menées par sa petite-fille Diane (Bélanger) Armstrong de Timmins ont néanmoins démontré que Rose Ann était enseignante, ferrée en anatomie, connaissante en soins infirmiers, dramaturge, musicienne, dentellière et couturière, en plus d’afficher des compétences en mathématiques, sciences, histoire et politique ! Et tout ça, avant même que les femmes canadiennes n’aient obtenu le droit de vote !
Avant de planter leurs racines fermement dans le témiscaming ontarien, la famille Bélanger a vécu dans l’Ouest canadien et au Québec, mais c’est à Dane, et par la suite, Elk Lake, Latchford et finalement, Haileybury, qu’ils ont laissé leur marque sur l’histoire de la province.
Lorsque Rose Ann et Joseph Odilon sont arrivés à Dane, Ontario en 1907, leur maison en bois grossièrement équarri ne mesurait que 16 pieds carrés, et pourtant, non seulement la famille devait-elle y vivre, mais la maison servait aussi de station de train et de bureau de télégraphie, (Joseph Odilon était télégraphe), de salle de bagages pour les voyageurs et de dépôt pour le courrier.
Sans électricité, ni eau courante, ni même de routes pour se déplacer entre les maisons ou les villages, la famille Bélanger cohabitait avec des « millions de maringouins et de mouches noires » et se déplaçait dans la boue jusqu’aux genoux ! Il fallait bien du courage et de l’optimisme pour aller de l’avant et bâtir un nouveau pays dans des conditions aussi précaires.
À cette époque des débuts 1900, il n’y avait ni magasin, ni épicerie dans le minuscule village de Dane. La nourriture était commandée par service télégraphique et livrée par train. Enseignante de formation, Rose Ann aurait voulu enseigner aux enfants du village (ils étaient 11 enfants en tout à ce moment-là compte tenu des 3 familles francophones qui y habitaient), mais la loi ne permettait pas aux femmes mariées d’enseigner à cette époque.
En 1912, Joseph Odilon fut muté à Elk Lake où la famille s’est installée jusqu’en 1928. Rose Ann y est devenue la première femme conseillère scolaire en 1920 et aussi la première femme présidente du conseil scolaire d’Elk Lake en 1923. Cette femme d’action s’est rendue à Queen’s Park à plus d’une reprise pour y rencontrer le premier ministre Howard Ferguson et l’inciter à appuyer la construction d’une école. Les enfants à Elk Lake fréquentaient depuis trop longtemps une « cabane » insalubre, sans installations convenables à l’apprentissage, ni plomberie. Armée de courage et d’une détermination inébranlable, Rose Ann a défendu leur droit à une école neuve. La nouvelle école enfin ouvert ses portes en 1928 !
Les souvenirs racontés par Rose Ann dans son journal intime ont permis à sa petite-fille Diane Bélanger Armstrong de raconter l’histoire de cette pionnière qui n’a pas eu froid aux yeux. Ses pensées notées à même son journal ne laissent aucun doute quant au bonheur que Rose Ann a vécu dans son rôle de bâtisseuse, allant même jusqu’à inventer une recette de tourtière à l’orignal lorsque les ingrédients traditionnels de la recette de sa mère n’étaient pas disponibles !
Rose Ann a été de toutes les causes, desservant les familles, les enfants, les soldats et les vétérans. Le soin des animaux blessés, l’accueil des immigrants chinois dans leur demeure, l’enseignement de cours de musique aux enfants pauvres des villages où la famille Bélanger a vécu — cette bénévole d’exception n’a jamais hésité à ouvrir son coeur et sa maison. Et Rose Ann a aussi connu la satisfaction de voter à une élection fédérale pour la première fois en 1918 ! Événement historique marquant dans la vie d’une femme comme Rose Ann qui était instruite, ouverte d’esprit et fort intéressée par l’actualité et la politique de son pays à une époque où les femmes étaient généralement reléguées au silence et à l’arrière-plan.
Rose Ann était un modèle d’adaptation, une femme qui a enseigné à sa descendance que l’impossible était toujours possible… Veuve à partir de 1936, elle a poursuivi son œuvre jusqu’à l’année de son décès à Haileybury en 1942. Son esprit d’aventurière fut transmis à ses enfants qui ont tous et toutes eu des parcours de vie intéressants et engagés dans le bien-être de leur communauté dans différentes villes du Nord.
*J’aimerais remercier bien chaleureusement Diane Bélanger Armstrong pour sa générosité et sa disponibilité. Diane s’est fait un plaisir de répondre à mes questions pendant ma période de lecture de son livre, et par la suite, dans la relecture du résumé que j’ai rédigé pour les Elles du Nord. Merci !
Référence : Mud, Muskeg & Mosquitoes : The Life and Legacy of a Northern Ontario Pioneer, par Diane (Bélanger) Armstrong, petite-fille de Rose Ann (Dawson) Bélanger et chroniqueure au Timmins Times. http://www.wmpub.ca/1149-mud.htm
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